
Déjà engagée précédemment dans une politique de logistique urbaine durable, l’Eurométropole de Strasbourg rejoint le programme InTerLUD+ pour renforcer ces actions. Avec un recours accru au fluvial pour la décarbonation du dernier kilomètre, qu’il s’agisse de cyclologistique ou de l’approvisionnement en matériaux des chantiers de construction.
L’Eurométropole de Strasbourg a débuté ses actions sur la logistique urbaine bien avant son adhésion, en juillet 2024, à la démarche InTerLUD+. En mai 2023, le conseil métropolitain de la capitale alsacienne adoptait déjà sa feuille de route « pour une logistique urbaine durable et décarbonée ». L’établissement de cette feuille de route s’était fait en concertation avec les entreprises concernées par le sujet des livraisons urbaines, mais il s’agit avant tout d’un document reflétant la politique publique de la métropole, et non d’une charte signée par tous les acteurs économiques.
D’une feuille de route à une charte InTerLUD+
Depuis l’adoption de la feuille de route, des réunions ont eu lieu tous les six mois avec les représentants des entreprises pour faire le point sur l’avancement des dossiers. Le rapprochement avec InTerLUD+ permettra de muscler les actions de Strasbourg en matière de logistique urbaine durable, avec l’accès aux financements via les certificats d’économie d’énergie (CEE) et une animation sur la démarche globale. L’accent est aussi mis dans le projet InTerLUD+ de l’Eurométropole sur deux aspects de la logistique urbaine durable : la question du foncier logistique et celle du transport fluvial en centre-ville.
Une géographie favorable à la logistique fluviale
La livraison de colis par tramway a récemment été mise à l’essai à Strasbourg ; les résultats de ce test sont encore en cours d’évaluation. La logistique urbaine fluviale a déjà dépassé ce stade de l’expérimentation, avec plusieurs chaînes logistiques en place. La géographie s’y prête, le centre-ville historique étant très dense et situé sur une île de la rivière Ill. Malgré l’existence d’un réseau de canaux, les bateaux de marchandises ont pourtant longtemps déserté les quais historiques de Strasbourg pour ne fréquenter que le port du Rhin, quelques kilomètres plus à l’Est. Celui-ci, orienté vers l’utilisation du fleuve pour des transports massifiés sur de longues distance, constitue cependant un point d’appui solide pour alimenter des transports fluviaux urbains.
Cyclologistique et transports de pavés
En 2020, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé conjointement par l’Eurométropole et Voies navigables de France (VNF) pour la mise à disposition du quai des Pêcheurs. L’entreprise Urban Logistic Solutions (ULS), qui l’a emporté, a ainsi lancé des activités de logistique fluviale urbaine et de cyclo-logistique pour la desserte du centre-ville. ULS effectue une à deux navettes fluviales chaque jour depuis le port du Rhin, avec un fret retour constitué principalement d’emballages.
Le quai peut aussi servir à des opérations de logistique urbaine plus ponctuelles. Il a ainsi été utilisé pendant quelques semaines pour des livraisons de pavés lors du chantier de réhabilitation de la Manufacture des tabacs. Une utilisation rendue possible car tout était en place pour cela : le quai adapté en centre-ville, la grue installée à demeure et le bateau naviguant tous les jours sur l’itinéraire.
Les autres projets de logistique fluviale urbaine dans l’Eurométropole de Strasbourg concernent des grands chantiers de construction, mais ont nécessité la création de tout un écosystème pour profiter du transport par bateau.
Favoriser la logistique fluviale des chantiers
Le projet Archipel 2, par exemple, comprend la construction d’une dizaine de tours dans le quartier du Parlement européen. Un appel à projets a été lancé pour l’attribution d’une parcelle bord à voie d’eau pour y implanter une centrale à béton temporaire afin d’alimenter le chantier. L’entreprise Fehr, qui a remporté cet appel à projet, y produit donc depuis l’an dernier du béton, en faisant venir par bateau les granulats depuis une gravière du Sud de la métropole. En un an et demi, ce sont 14 000 t de granulats qui ont ainsi été transportés en fluvial.
Toujours pour le projet Archipel 2, un quai temporaire a été mis à disposition pour l’évacuation par bateaux des déblais du chantier. « L’Eurométropole a mis dans ses appels d’offres une clause d’incitation au transport fluvial, et nous mettons aussi ce quai à disposition des autres chantiers pour les inciter à utiliser le fluvial, explique Camille Treil, chargé de mission logistique urbaine à l’Eurométropole de Strasbourg. Ce coup de pouce au transport fluvial est aussi une façon d’amorcer la pompe et d’aider à la constitution d’une nouvelle filière de transport, car peu d’opérateurs disposent aujourd’hui de bateaux adaptés au transport de marchandises sur ce petit réseau fluvial. »
Coup de pouce à la création d’une filière
Favoriser une logistique fluviale pour les matériaux de construction est aussi au programme du démonstrateur ville durable, le chantier du quartier Citadelle. Ce projet porté par la Société publique locale des Deux Rives, en partenariat avec VNF et le Port autonome de Strasbourg, fait l’objet d’études pour accompagner les entreprises qui n’ont pas l’habitude d’utiliser le fluvial pour leurs chantiers. L’arrivée massifiée des matériaux de construction par bateau, par exemple, doit s’anticiper avec des moyens de manutention et des capacités de stockage à prévoir sur site, contrairement à des livraisons juste à temps par camion.
« Il s’agit d’aider les entreprises à passer plus sereinement à une logistique fluviale pour leurs chantiers urbains, explique Camille Treil. L’objectif est aussi de créer des outils réplicables sur d’autres chantiers, le savoir-faire des entreprises étant nécessaire à la création d’une filière. Du côté de la métropole aussi nous devons apprendre à adapter nos marchés au fluvial et à les publier de façon anticipée. »
Un observatoire des flux logistiques en projet
L’utilisation de moyens de transports décarbonés pour les livraisons en ville suppose des espaces logistiques proches du centre. Pour les connaître, l’Eurométropole s’appuie sur l’Agence d’urbanisme de Strasbourg et du Rhin supérieur (Adeus), qui a établi un inventaire de l’existant. La collectivité mène aussi une enquête sur la question, interrogeant les entreprises transportant des marchandises en ville pour connaître leurs besoins en foncier logistique.
Cette connaissance du territoire, pour être utile, doit s’accompagner de données sur les flux de marchandises, qui sont plus confidentielles et souvent protégées par le secret commercial. Pour en avoir un meilleur aperçu, la création d’un observatoire des flux logistiques est en cours : il s’agit du projet Lowgistics, auquel participent VNF et la startup Urban Radar. Cet outil devra aider au report modal de marchandises vers la voie d’eau ou d’autres transports décarbonés, et fournir aux entreprises des outils d’aide à la décision pour l’optimisation des flux de marchandises en ville.