Au port de Strasbourg, quelle reconversion pour les Grands Moulins ?

Installés sur le port du Rhin en 1898, les Grands Moulins de Strasbourg, à l’arrêt depuis 2023, vont se tourner vers une nouvelle activité qui profitera de la desserte fluviale et ferroviaire du site. Un appel à projets a été lancé par le Port autonome de Strasbourg.

Le Port autonome de Strasbourg a lancé le 16 septembre un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour la reconversion du site des Grands Moulins de Strasbourg. La parcelle de 5 hectares est située au cœur du port de Strasbourg, sur les berges de l’historique bassin du Commerce dominé par la stature imposante de l’ancienne capitainerie, et à deux pas du nouveau bâtiment occupé par le Port autonome de Strasbourg (PAS), depuis que l’autorité portuaire a quitté son siège historique du centre-ville en 2021.

Faisant suite à un premier moulin fondé à Illkirch-Graffenstaden, sur les bords de l’Ill, en 1865, les Grands Moulins de Strasbourg se sont ensuite installés dès 1898 sur ce qui était alors le nouveau port du Rhin. Un silo de cette époque subsiste encore, mais le site a constamment été modernisé et agrandi depuis. Avant sa reprise par le groupe Advens fin 2018, l’approvisionnement en blé représentait en moyenne 250 000 tonnes par an, acheminés par trois modes de transport : la route (50 % du tonnage), le fluvial (30 %) et le ferroviaire (20 %, soit cinq trains par mois environ).

Un site à l’arrêt depuis 2023

À partir de 2019, la logistique d’approvisionnement du site est devenue essentiellement routière, le mode ferroviaire, à raison de quatre trains par mois en moyenne, n’ayant été utilisé que sur une courte durée. C’est l’arrêt de l’activité du site, annoncé par le groupe Advens en avril 2023, qui est à l’origine de l’AMI lancé par le Port autonome.

Cet appel à manifestation d’intérêt doit permettre « d’identifier des opérateurs économiques susceptibles de développer sur ce site un projet à dominante logistique et/ou industrielle, intégrant si besoin un volet tertiaire. Ce nouvel usage devra pleinement s’inscrire dans le projet stratégique 2024-2028 des Ports de Strasbourg, en cohérence avec les enjeux de développement durable, de logistique urbaine et d’interface ville-port. »

Réindustrialisation et décarbonation de la logistique

Pour cela, le PAS met en avant l’embranchement ferroviaire du site, ainsi que les 400 mètres de linéaire de berges, dans le prolongement du quai fluvial du terminal à conteneurs. Les projets des candidats pourront concerner tout ou partie des 13 bâtiments, qui représentent un total de 33 650 m² de surface de plancher, et dont la démolition partielle peut d’ailleurs être envisagée.

Décarbonation de la logistique et réindustrialisation sont les deux attendus majeurs sur ce site selon le Port autonome de Strasbourg : « À travers ce projet de reconversion du site des Grands Moulins, le PAS affirme sa volonté de valoriser les infrastructures multimodales existantes. Il s'agit d'amorcer une logique vertueuse de décarbonation des transports et de régénération du patrimoine foncier et immobilier. L'AMI s'inscrit en continuité du projet d'extension et de modernisation du terminal à conteneurs nord, hub logistique multimodal, ainsi que dans une réflexion globale sur le bassin du commerce et le Port Nord, notamment sur le développement de la logistique urbaine. »

Utilisation privilégiée du fluvial et du ferroviaire

L’utilisation des modes de transports massifiés est également scrutée à la loupe par l’autorité portuaire lorsqu’elle lance des appels à projets qui comportent désormais systématiquement « des critères permettant de favoriser le report modal des flux logistiques avec des engagements de trafics pour des terrains embranchés fer ou eau, ainsi que la décarbonation des activités industrielles et logistiques. Sur cet appel à projets en particulier, le Port appréciera la manière dont les projets s'appuient sur les infrastructures disponibles sur et à proximité du terrain, telles que le terminal à conteneurs, les raccordements aux voies ferrées et les 400 m de linéaire de berges. »

Les porteurs de projet doivent rendre leur dossier au plus tard le 28 novembre 2025. Ils pourraient être nombreux à tenter d’obtenir de la part du PAS une mise à disposition de ces terrains portuaires, qui se font rares sur le site portuaire de Strasbourg. Les terrains portuaires libérés par les entreprises font l’objet d’une procédure de publicité et de sélection des candidats (en cas de pluralité) avant leur attribution à un nouvel occupant, puisqu’il s’agit d’une propriété publique qui fait l’objet d’une « exploitation économique », en application des dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques, qui vise le domaine public, et que le Port autonome décline sur son domaine privé. Depuis un an, cinq appels à projets ont ainsi été lancés, pour un total de 20 hectares remis sur le marché.

Garder le contrôle du foncier portuaire

Le Port autonome de Strasbourg gère un domaine public qui lui a été confié par l’État, comprenant les routes et voies ferrées ainsi que le domaine public fluvial constitué des bassins portuaires et d’une bande de 20 m autour de ces bassins. Au total, plus de 1 000 hectares dont 200 ha de bassins fluviaux. Sur ce domaine public, la mise à disposition de terrains à des entreprises passe par le régime de la convention d’occupation temporaire (COT), généralement pour une durée de 30 ans qui permet d’amortir l’investissement privé dans des bâtiments ou équipements.

Le PAS dispose également d’un domaine privé, pour lequel les contrats de mise à disposition sont appelés amodiation. « Quand un occupant loue un terrain pour développer son activité sur le domaine privé du port, il bénéficie d’un contrat ferme pour une durée de 18 à 50 ans selon son projet, sans subir la précarité liée à l’occupation du domaine public, explique le Port. L’amodiation est un système plutôt intéressant, car il génère des ressources, tout en permettant à la puissance publique de conserver le contrôle sur un foncier rare, dont l’aménagement a mobilisé des investissements publics. Ce contrôle permet en particulier de régénérer le site, en évitant par exemple le maintien de friches industrielles polluées. »

 

Photo : © Siméon Levaillant, Port autonome de Strasbourg