Viaduc d’Autreville : un chantier de rénovation hors norme sur l’A31

La construction d’une structure sous l’ouvrage pour en reprendre la charge en minimisant les interruptions de circulation constitue un tour de force technique. Au-delà de ce chantier emblématique, la Région Grand Est, qui expérimente un transfert de gestion du réseau routier national, poursuit un programme complet de rénovation des autoroutes.

Rénové après plus de trois ans de travaux, le viaduc d’Autreville a été inauguré officiellement le 4 juillet 2025. Cet ouvrage, qui permet à l’autoroute A31 de franchir la Moselle à une quinzaine de kilomètres au nord de Nancy, a été construit au début des années 1970. Il voit passer 62 000 véhicules par jour dont 10 000 poids lourds.

L’ouvrage de 230 mètres de long pour 32 mètres de large est constituée d’une dalle métallique dite orthotrope : c'est-à-dire que les plaques d’acier raidies participent, comme les poutres longitudinales, à la portance de l’ouvrage. Cette structure entièrement métallique du viaduc le rend « très sensible aux variations thermiques et aux vibrations provoquées par le passage des poids lourds », note la Direction interdépartementale des routes (DIR Est), qui a piloté la rénovation du viaduc d’Autreville.

Des fissures anciennes

Alors que de nombreux changements de la couche de roulement ont déjà été réalisés par le passé, il devenait cette fois urgent de traiter les fissures dans la structure même de l’ouvrage, détectées dès 1975 et pour lesquelles les simples réparations, effectuées régulièrement depuis lors, ne suffisaient plus.

Mais comment mener à bien de tels travaux sans interrompre durablement la circulation sur l’A31, l’une des autoroutes les plus fréquentées de la région ? Le diagnostic de l’ouvrage, mené à partir de 2017 par le Cerema, a conduit à la réalisation de quatre poutres en forme de caisson glissées sous l’ouvrage pour en reprendre la charge.

Une nouvelle structure de 2 800 tonnes sous l’ancien tablier

Suite à appel d’offres, les travaux ont été confiés par la DIR Est en 2021 à un groupement composé de trois entreprises : Demathieu Bard, Baudin Chateauneuf et Berthold. Au cours de l’année 2023, les poutres-caisson ont été assemblées au pied de l’ouvrage. Elles ont ensuite été glissées sous le tablier du viaduc : en mars et avril 2024, deux fermetures de circulation ont été nécessaires pour lever les 2 800 tonnes de la nouvelle structure venant soutenir le tablier métallique conservé, d’un poids de 2 000 tonnes.

En septembre 2024 et en juin 2025, quatre nouveaux week-ends d’interruption de la circulation ont permis de réaliser une dalle de béton fibré ultra-performant (BFUP). Un béton fabriqué localement, une centrale foraine de production de béton ayant été installée à chaque bout de l’ouvrage.

« Ce long chantier est innovant sous ses deux aspects principaux, note le Cerema : il s’agit de la première fois (à notre connaissance) que l’on réalise “un pont sous un pont” pour soulager un ouvrage et la première fois en France que l’on réalise une dalle en BFUP sur une dalle orthotrope avec une fabrication foraine. »

Des interruptions de circulation très réduites

Il convient de noter un autre tour de force, réalisé à l’occasion de ce chantier : si, au cours des travaux, le nombre de voies sur le viaduc et la vitesse des véhicules ont souvent été réduits, les périodes d’interruption complète de la circulation sur l’autoroute A31 ont été très rares. Conduire un chantier d’une telle ampleur tout en laissant circuler voitures et camions a été rendu possible par le choix initial de consolider le viaduc par en dessous.

« Aujourd’hui, le viaduc est entièrement consolidé et prêt pour un siècle de service, déclarait la DIR Est lors de l’inauguration, en juillet dernier. Il reste à poser la couche de roulement définitive en septembre, suivie d’un test grandeur nature, avec plusieurs poids lourds de 40 tonnes, pour valider les performances de la nouvelle structure. Ensuite, la circulation reprendra sans aucune restriction. »

Un coût partagé entre l’État et la Région Grand Est

Le coût des travaux, d’un montant de 53 millions d’euros, a été majoritairement financé par l’État, notamment dans le cadre du plan de relance. La Région Grand Est, quant à elle, a apporté 5,5 millions d’euros pour ce projet.

La Région, qui s’est vue confiée à titre expérimental, depuis janvier 2025, la gestion d’une partie du réseau routier national non concédé, dispose d’un budget spécifique pour l’entretien de ces routes. Celui-ci comprend 32 millions d’euros de droit à compensation, versés chaque année par l’État pour compenser le transfert des routes. Il comprend aussi une possibilité d’emprunt pouvant atteindre 100 millions d’euros, dans l’attente des premières recettes de l’éco-contribution poids lourds que la Région veut mettre en place.

La Région prévoit d’autres chantiers

Le but premier de l’éco-contribution, qui doit permettre à la Région de mobiliser 1 milliard d’euros entre 2027 et 2035, est justement l’entretien et la rénovation du réseau routier dont elle a pris la responsabilité. En 2025, une grande partie des interventions sur celui-ci, dont la plus emblématique reste la rénovation du viaduc d’Autreville, ont concerné les autoroutes A31 et A313 : rénovation d’une buse d’assainissement et de transparence écologique à Atton (54), rénovation d’ouvrages à Frouard (54) et à Montigny-lès-Metz (57), rénovation d’un ouvrage et de la chaussée à Toul (54), travaux de sécurisation et d’étanchéité d’un ouvrage à Richemont (57), poursuite des travaux de rénovation du viaduc de Beauregard à Thionville (57), études relatives aux ouvrages d’assainissement au Nord de Metz (57), et enfin études en vue des travaux de protections phoniques à Maxéville (54) et Metz (57) dans le cadre du CPER 2023-2027. D’autres chantiers sont projetés dès l’an prochain sur l’axe routier principal de la Lorraine, mais leur calendrier n’est pas encore fixé : « la liste prévisionnelle est susceptible d’évoluer selon les disponibilités budgétaires à voter pour 2026 et les avancements des études préalables aux chantiers ».

 

Photo : © DIR Est