
Engagés dans le programme EVE, des industriels comme Savencia ou Eqiom mobilisent leurs transporteurs pour verdir la logistique. Carburants alternatifs, partages de bonnes pratiques et partenariats innovants aident à faire de la décarbonation un avantage compétitif pour répondre aux exigences croissantes des clients.
Comment un chargeur peut-il mobiliser ses prestataires de transport et les accompagner sur la voie de la décarbonation ? Deux entreprises engagées dans le programme EVE (Engagements Volontaires pour l’Environnement) piloté par l’Ademe ont témoigné de leurs pratiques en la matière, au cours du colloque sur le verdissement des transports organisé le 11 mars dernier par l’ORT&L Grand Est.
Pour Valentin Perrard, responsable de la collecte de lait du groupe fromager Savencia (ex-Bongrain-Gérard), la motivation pour adhérer au programme EVE était avant tout interne, pour coller à la politique RSE du groupe. « Ensuite, un second coup d'accélérateur est venu de nos clients qui ont exprimé des exigences croissantes en matière de durabilité, explique-t-il. Ces exigences nous ont poussés à nous engager davantage dans le verdissement de notre chaîne logistique. »
Biogaz et HVO pour Savencia
L’entreprise a pris l’engagement de parvenir en 2032 à une réduction de 52 % de ses émissions de CO2 par rapport à 2019. Or, Savencia – connu pour ses marques Caprice des dieux, Tartare ou Elle&Vire – réalise seulement 20 % de la collecte de lait auprès des producteurs grâce à sa propre flotte de camions, le reste étant sous-traité auprès d’une trentaine de transporteurs. En Grand Est, où le groupe exploite deux sites de fabrication à Illoud (52) et au Tholy (88), les 360 producteurs de lait partenaires sont en revanche collectés principalement en flotte propre.
Une flotte de collecte déjà largement décarbonée grâce à l’utilisation de biogaz et surtout de HVO, qui permet de changer de carburant sans attendre le renouvellement du parc de camions. Cela permet à l’entreprise de connaître le surcoût réel de la décarbonation, et de mesurer ainsi les efforts qu’elle demande à ses prestataires de transport, à qui elle fait d’ailleurs bénéficier de tarifs négociés pour la fourniture de carburants alternatifs.
Eqiom utilise le biogaz et le B100
Pour Eqiom, le choix du carburant alternatif a été différent puisque c’est vers le B100 que le cimentier, filiale du groupe irlandais CRH, s’est tourné pour décarboner ses transports. Environ 50 % des camions de transport de ciment d’Eqiom utilisent des énergies alternatives. Avec des schémas parfois originaux, comme ce partenariat avec une brasserie dont les drèches produisent du biocarburant utilisé par les camions transportant du ciment. Un partenariat impliquant le transporteur routier Mauffrey, fournisseur de solutions de transport pour le brasseur comme pour le cimentier.
Car Eqiom a recours massivement à des transporteurs externes, notamment pour les flux de granulats. Pour améliorer la qualité environnementale de ces prestations de transports, le cimentier, au sein du programme EVE, s’est engagé dans le label Fret 21, qui accompagne les entreprises donneuses d’ordre pour qu’elles intègrent l’impact de leurs transports dans leur démarche RSE.
La décarbonation du transport, un avantage concurrentiel
« Nos émissions de CO2 sont réduites, nous le mesurons grâce au dispositif Fret 21, déclare Maxime Ponchaux, responsable logistique d’Eqiom. Avoir une empreinte carbone réduite est valorisant, surtout pour nos commerciaux qui vendent nos matériaux de construction. Cela représente un avantage concurrentiel indéniable. Nous avons besoin de verdir notre image dans une industrie cimentière très polluante et c’est un des moyens qui nous permettent de le faire. Cependant, ces solutions décarbonées coûtent plus cher que le gasoil. »
La difficulté, dans la durée, est de trouver de nouvelles pistes de réduction de l’empreinte carbone selon Maxime Ponchaux : « C'est notre troisième engagement triennal, et nous arrivons à un stade où il devient difficile de trouver des actions supplémentaires pour continuer à décarboner, surtout après avoir travaillé sur des axes majeurs comme la transition énergétique, l’amélioration de la charge utile ou le report modal. »
Camion électrique pour la collecte de lait
Savencia, pour amplifier son effort de décarbonation, se tourne à présent vers ses prestataires de transport. L’entreprise a convié, ce 12 juin 2025, ses 30 transporteurs sur son site d’Illoud (photo ci-contre) où elle a présenté le camion électrique qu’elle vient de tester pendant trois semaines et qui entrera en flotte en 2026 pour la collecte de lait. Cet évènement a permis au groupe fromager de partager son retour d’expérience avec ses prestataires : « depuis qu’on a montré que le HVO fonctionnait sur nos propres camions, trois prestataires nous ont suivi, indique Valentin Perrard. Avec le camion électrique, nous entendons aussi démontrer que cette solution technique est viable même pour la collecte de lait, où les camions tournent 20 heures par jour et 365 jours par an. »
« Nous avons d’abord rencontré individuellement chacun de nos transporteurs pour leur expliquer nos actions de décarbonation, continue-t-il. Ensuite, lors des négociations tarifaires annuelles, nous leur avons demandé ce qu’eux faisaient ou comptaient faire en la matière. L’objectif de la prochaine réunion est de continuer à échanger sur les bonnes pratiques, mais aussi d’expliquer à tous nos prestataires que la décarbonation est indispensable à Savencia pour rester dans le marché. Nos clients nous le demandent et, demain, le CO2 fera partie pour nous, au même titre que le prix, des éléments pris en compte pour choisir nos prestataires transport. »