Hydrogène : des unités de production en projet

Pour faire face à la forte hausse attendue de la consommation d’hydrogène et décarboner sa production, les projets d’installation d’électrolyseurs se multiplient en Grand Est.

Il y a 4 ans, la stratégie nationale hydrogène prévoyait une production annuelle de 45 000 t d’hydrogène en Grand Est à l’horizon 2030. Un an plus tard, la projection établie par une étude de la Région double ce chiffre, avec une production annoncée de 90 000 t. Plus récemment encore, dans son « étude trajectoire 2030 », publiée en décembre 2022, France Hydrogène prévoit une production annuelle d’hydrogène atteignant 130 000 t en Grand Est en 2030.

L’hydrogène, ou plus précisément dihydrogène (H2) est un vecteur de choix pour la transition énergétique. Ce gaz inodore et incolore est déjà utilisé comme carburant, par exemple pour la fusée Ariane ou plus récemment à bord de bateaux. Des motoristes automobiles travaillent également à son utilisation comme carburant pour moteurs à explosion. Mais la façon la plus répandue de l’utiliser pour un véhicule est la pile à combustible : par réaction avec l’oxygène de l’air (O2), l’hydrogène génère de l’électricité utilisée pour faire tourner les roues, en rejetant uniquement de l’eau (2 H2 + O2 → 2 H2O).

Gris ou vert, l’hydrogène ?

Si la combustion de l’hydrogène ne produit pas de CO2, ce n’est pas forcément le cas de sa production. La façon la plus répandue et la moins coûteuse d’obtenir de l’hydrogène est le vaporéformage du méthane. Dans cette opération, l’utilisation de gaz naturel induit des émissions de CO2 : l’hydrogène utilisé est alors appelé hydrogène gris. En cas de captage du carbone, on parle d’hydrogène bleu. Si l’opération se fait à partir de charbon gazéifié, elle est beaucoup plus polluante et l’hydrogène obtenu est dit « noir ».

Qu’en est il de l’hydrogène vert ? Il est obtenu par électrolyse de l’eau (H2O) pour en extraire le dihydrogène. C’est l’opération inverse de celle qui se déroule lorsque l’hydrogène est utilisé dans une pile à combustible. Cette opération, pour être verte, doit être réalisée en utilisant de l’électricité renouvelable. L’hydrogène ainsi obtenu peut aussi constituer un moyen de stocker l’électricité éolienne ou solaire, produite de façon intermittente, et donc représenter un outil intéressant dans la décarbonation de l’énergie.

De nombreux projets de production d’hydrogène vert en Grand Est

Les principaux projets de production d’hydrogène en Grand Est concernent l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable, principalement à partir d’électricité éolienne, dont la région est la deuxième en France en termes de puissance installée (4 478 MW, fin 2022).

À Reims, le projet H2 Marne, porté par VDN H2 et par H2 Développement, vise à produire 10 MW d’hydrogène par an par électrolyse. La destination est avant tout industrielle, avec une utilisation en combustion d’un mélange de gaz naturel et d’hydrogène. La mobilité figure cependant aussi parmi les usages prévues, à la fois pour les collectivités, les transporteurs et les particuliers.

En Lorraine, c’est le parc éolien de l’Audunois qui est mis à contribution dans le cadre du projet MHyRABEL pour produire de l’hydrogène pour la mobilité et le chauffage. C’est dans ce cadre qu’une station d’approvisionnement en hydrogène des véhicule est exploitée depuis 2020 par Engie à Audun-le-Roman.

Dans la vallée de la Moselle, H2V (Samfi-invest) va mettre en place à partir de 2028 dans la zone portuaire de Thionville-Illange un électrolyseur de 200 MW, dont il est prévu de doubler la puissance pour parvenir en 2030 à une production de 56 000 t d’hydrogène vert par an.

Plus en amont, à Metz, John Cockerill et l’Eurométropole de Metz visent la production d’hydrogène pour la mobilité et plus spécifiquement pour les flottes de poids lourds de la collectivité, avec un électrolyseur alimenté en électricité renouvelable dont la production montera en puissance en même temps que la flotte de bus et de bennes à ordures ménagères de l’Eurométropole.

À Saint-Avold, c’est la centrale électrique qui est destinée à accueillir une production d’hydrogène. Il s’agit d’une des deux seules centrales fonctionnant encore au charbon en France. L’activité y a été prolongée jusqu’en 2024, mais une concertation a été lancée en février autour d’un projet de production d’hydrogène bas carbone. Le projet de GazelEnergie, qui exploite la centrale actuelle, est de produire 5 MW dans un premier temps, pour les bus de la collectivité. La production d’hydrogène à partir d’électricité renouvelable pourrait passer ultérieurement à 50 ou 100 MW pour répondre aussi aux besoins de décarbonation de l’industrie.

Dans la commune voisine de Carling, le projet Carlhyng porté par Verso Energy et GRTGaz est encore plus ambitieux : la production d’hydrogène vert devrait atteindre 51 000 t par an en 2030, puisqu’il est prévu la mise en service de trois électrolyseurs de 100 MW chacun à partir de 2028. Le raccordement est aussi prévu au réseau MosaHyc, pour le transport de l’hydrogène vers les sites industriels de part et d’autre de la frontière.

À Ottmarsheim, près de Mulhouse, la filiale Hynamics d’EDF a le projet d’un électrolyseur de 30 MW pour décarboner la production d’engrais de Borealis. 4 300 tonnes d’hydrogène pourraient ainsi être produits chaque année pour fabriquer de l’ammoniac bas carbone.

Des projets de production d’hydrogène par électrolyse sont aussi à l’étude à Freyming-Merlebach (Verso Energy), à Domjevin (Société des Travaux de la Vezouze) ou encore à Épinal (Lhyfe).

Quelques projets de production d’hydrogène à partir de biomasse

La thermolyse de la biomasse peut aussi être mise en œuvre pour produire de l’hydrogène. Un projet en ce sens est à l’étude par Haffner Energy à Vitry-le-François, pour l’alimentation en hydrogène de 200 véhicules.

À Strasbourg, Haffner Energy et la société d’économie mixte R-GDS, qui gère le réseau local de distribution de gaz, produiront de l’hydrogène à partir de bois récupéré localement, avec piégeage du carbone sous forme de biochar, un coproduit pouvant être valorisé par l’agriculture.

 

Photo : © Arnaud Bouissou / Terra