Bientôt cinq zones à faibles émissions en Grand Est

Alors que des ZFE-m sont déjà mises en place à Strasbourg et à Reims, trois autres agglomérations doivent en faire de même au 1er janvier prochain. Chaque agglomération fait des choix différents.

« En 2025, des restrictions de circulation seront instaurées pour les véhicules les plus polluants dans les 42 agglomérations où les valeurs de qualité de l’air recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont dépassées », a annoncé Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, le 19 mars. Le même jour, le gouvernement a annoncé que l’amélioration de la qualité de l’air permettait toutefois à de nombreuses agglomérations de voir leurs obligations de mettre en place une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) significativement s’assouplir. Les ZFE-m, en effet, ont justement pour finalité de réduire la pollution de l’air, enjeu de santé publique majeur, puisqu’elle serait à l’origine de plusieurs milliers de décès prématurés chaque année en France.

Les 5 principales agglomérations du Grand Est (Strasbourg, Reims, Metz, Nancy et Mulhouse) sont désormais toutes des « territoires de vigilance » : elles respectent les seuils réglementaires français et, si elles doivent toujours mettre en place une ZFE-m, elles n’ont que des obligations minimales d’interdiction des véhicules les plus polluants.

Territoires de vigilance

Cette évolution est permise par le fait que de plus en plus d’agglomérations passent (sur 3 des 5 dernières années) sous le seuil réglementaire français et européen de concentration dans l’air d’un polluant, le dioxyde d’azote (NO2), d’une valeur moyenne annuelle de 40 μg/m³, quatre fois supérieur au seuil de l’OMS (10 µg/m³). Résultat : si presque toutes les agglomérations sont au-dessus de la valeur de l’OMS, seules Paris et Lyon dépassent encore régulièrement les seuils réglementaires. Qualifiées de « territoires ZFE effectifs » par le gouvernement, les deux collectivités doivent respecter le calendrier imposé par la loi « Climat et résilience » de 2021 qui prévoit notamment d'interdire la circulation des véhicules classés Crit’Air 3 à partir du 1er janvier 2025.

Toutes les autres – et donc toutes les agglomérations du Grand Est concernées – sont des « territoires de vigilance ». Celles où une ZFE-m existe déjà, comme Strasbourg et Reims, n’ont, selon la nouvelle réglementation, « plus aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles ». La Grand Reims, cependant, doit élargir le périmètre de sa ZFE : en cohérence avec la loi d’orientation des mobilités de 2019, il ne l’est plus avec la loi « Climat et résilience » qui demande qu’au moins 50 % de la population de l’intercommunalité soit couverte par la ZFE-m. Pour les collectivités n’ayant pas encore mis en place de ZFE-m, Metz, Nancy et Mulhouse, « la seule obligation prévue par la loi est la restriction de circulation, au 1er janvier 2025, des véhicules non classés : immatriculés avant le 31 décembre 1996 pour les véhicules légers, avant le 30 septembre 2001 pour les poids lourds et avant le 30 septembre 1997, pour les véhicules utilitaires légers ».

ZFE-m à l’étude à Mulhouse et Metz

À Mulhouse Alsace Agglomération (39 communes, 273 767 habitants), après un premier état des lieux présenté par l’Afut Sud-Alsace (l’agence d’urbanisme locale) début 2023, deux études ont été lancées pour établir un scénario stratégique et élaborer un périmètre alors que, selon la collectivité, « la démarche de co-construction est encore en cours ».

À l’Eurométropole de Metz (46 communes, 230 000 habitants), on indique « qu’une réunion sur le dossier de la ZFE-m est programmée en mai, au cours de laquelle le périmètre et la stratégie devraient être validés par les élus ». Le maire François Grosdidier a récemment déclaré à la presse qu’il n’irait « pas au-delà » des restrictions imposées pour 2025.

Mise en place progressive à Nancy

Périmètre de la ZFE-m du Grand Nancy ; Source : Métropole du Grand NancyTroisième agglomération du Grand Est qui crée sa ZFE-m en 2025, la Métropole du Grand Nancy mise sur la progressivité, tout en insistant sur l’importance du but visé par la ZFE-m, à savoir l’amélioration de la qualité de l’air. Pour Jean-Jacques Rihm, directeur de la direction Climat et transition énergétique, « la requalification en territoire de vigilance ne diminue en rien la réalité de l’enjeu sanitaire posé par la qualité de l’air sur le territoire métropolitain » si l’on prend en compte « des concentrations de polluants supérieures aux recommandations de l’OMS ».

Le 6 juin prochain, le conseil métropolitain se prononce notamment sur le périmètre de la future ZFE-m qui s’entendra sur l’ensemble de la Métropole et sur un calendrier en deux temps, avec interdiction des poids lourds et véhicules utilitaires non classés et Crit’Air 5 en 2025, puis l’interdiction des voitures et deux-roues non classés et Crit’Air 5 d’ici à 2028. Après concertation avec une quarantaine de professionnels, poursuit M. Rihm, « un dispositif de conseil personnalisé et des aides financières seront mises en place pour les professionnels à la rentrée 2024 ».

À Reims, un périmètre inchangé

Le Grand Reims (143 communes, 298 000 habitants), qui a instauré en 2021 une ZFE-m couvrant le centre-ville et la voie Taittinger (A344) (voir notre article de septembre 2021), « maintient son périmètre en l’état », indique la direction de la transition écologique. S’appuyant sur le respect des valeurs réglementaires depuis 2020, en particulier pour le dioxyde d’azote, le Grand Reims limite l’accès des véhicules en Crit’Air 5 et 4, mais a prorogé la restriction des véhicules en Crit’Air 3 jusqu’en 2029 sauf, précise un arrêté, en cas de « dégradation de la qualité de l’air ».

Depuis 2021, un fonds d’aide a été mis en place avec l’Ademe, qui se termine en novembre prochain et a été « très peu utilisé », selon la collectivité. Côté dérogations, des réunions de concertation ont notamment permis de proposer des mesures en adéquation avec l’activité des professionnels. Il peut s’agir, entre autres, du « transport de raisins au cours des vendanges vers un pressoir dans la ZFE-m », ou encore du « commerce ambulant sur des marchés ». Il existe aussi un pass ZFE-m de 52 jours par an. 

Strasbourg garde le cap

Dans l’Eurométropole de Strasbourg (33 communes, 511 552 habitants), il existe aussi un pass ZFE-m, de 24 jours par an, ouvert aux particuliers comme aux professionnels, pour tous motifs, sans justificatif. Côté calendrier, l’Eurométropole, malgré son nouveau classement en territoire de vigilance, affirme « garder le cap ». On y tempère l’effet de l’amélioration : « avec une moyenne de 36 µg/m³ de dioxyde de carbone (NO2), nous sommes en dessous du seuil de 40 µg/m³. Mais ce seuil européen va être divisé par deux. Et nous sommes très au-dessus de la valeur guide de l’OMS, de 10 µg/m³. »

Maintenir le cap signifie un maintien du calendrier voté en 2021. Une évaluation intermédiaire du dispositif sera présentée cet été. Le périmètre reste inchangé : il comprend toute l’agglomération dont le port. Les véhicules Crit’Air 3 qui sont restreints sur le territoire « de manière pédagogique depuis janvier dernier », devraient être interdits à la circulation en janvier prochain. L’Eurométropole est dans l’attente d’un cadrage national pour pouvoir mettre en place des contrôles systématiques automatisés, mais ceux-ci ne seraient effectifs « qu’à la mi-2026 ». Cependant, la collectivité explique miser avant tout sur la concertation et l’accompagnement. L’Eurométropole a voté une enveloppe de 50 millions d’euros d’aides et d’accompagnement à la mise en place de la ZFE sur le territoire. Les professionnels peuvent bénéficier d’aides à la conversion et de l’appel à projets Start-ZFE qui a soutenu neuf projets innovants en 2023 et qui est relancé en 2024 (voir notre article de décembre 2021).

Une ZFE-m contestée

Président de la FNTR Alsace et transporteur sur le port de Strasbourg, Michel Chalot a pu bénéficier d’une aide pour trois de ses six camions au GNV, sur une flotte de 45 véhicules. Il estime cependant que les transporteurs ne peuvent pas changer leur flotte trop vite : « c’est intenable économiquement, surtout pour les PME. Un confrère qui travaillait sur le port avait passé toute sa flotte au gaz en 2020. Il a dû mettre son entreprise en redressement, puis en liquidation cette année, pris entre le poids de l’investissement, les prix de l’énergie et la non-réponse du marché. »

Face à cette complexité, le Medef et la FNTR Alsace avaient saisi en 2022 le tribunal administratif pour obtenir l’annulation d’un arrêté interdisant les véhicules Crit’Air 2 à partir de 2028 dans quatre communes de l’Eurométropole, au lieu de 2031. Réponse à l’issue du délibéré le 6 mai.

Pour en savoir plus

Voir notre article de septembre 2021 sur le contexte de création des ZFE-m en France et, en particulier, la mise en place de celle de Reims

 

Photo : © Jérôme Dorkel / Eurométropole de Strasbourg
Carte : © Métropole du Grand Nancy